RESUME : Par un arrêt du 26 juin 2019, le Conseil d’Etat a complété le corpus jurisprudentiel autour des dispositions de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme en considérant expressément que « le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales »
L’article R.111-2 du Code de l’Urbanisme constitue une partie du Règlement National d’Urbanisme applicable y compris en présence d’un Plan Local d’Urbanisme. Il prévoit que « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. »[1]
La formulation de ces dispositions pourrait laisser penser qu’il appartient au pétitionnaire de proposer des prescriptions spéciales permettant de répondre aux potentielles atteintes à la sécurité ou à la salubrité publique. Plus encore ces dispositions, laissent entrevoir, à première lecture, qu’une autorisation d’urbanisme ne peut pas être accordée sans prescriptions spéciales en l’hypothèse d’un risque pesant sur la sécurité ou la salubrité publique.
Par un arrêt catégorisé en A qui sera publié au LEBON, le Conseil d’Etat clarifie la lecture à opérer de ces dispositions et propose une inversion de paradigme.
En l’espèce, par un arrêté du 30 novembre 2010, le maire de Tanneron a refusé de délivrer un permis de construire une maison d'habitation et une piscine, en se fondant sur les risques élevés d'incendie de forêt dans le secteur concerné, qui ont notamment conduit le service d'incendie et de secours à rendre un avis défavorable sur le projet en cause.
Par un jugement du 2 août 2012, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande du pétitionnaire tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 12 mai 2017, contre lequel le pétitionnaire se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par ce dernier contre le jugement du tribunal administratif. C’est en l’état que s’est présentée l’affaire devant les juges du Palais Royal.
Lorsqu’un refus d’autorisation d’urbanisme est opéré sur le fondement des dispositions de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme, le juge administratif exerce un contrôle normal[2]. Il apprécie par ailleurs souverainement les faits susceptibles de fonder un refus de permis de construire au regard des dispositions de l’article R 111-2 précitées[3].
A la différence du contrôle restreint opéré lorsque le moyen tiré du non-respect de l’article R.111-2 est soulevé par un requérant[4], le juge administratif bénéficie là d’une véritable marge d’appréciation.
Déjà, le Conseil d’Etat estimait que l’autorisation d’urbanisme peut être admise même en présence d’un risque dès lors que le permis de construire est assorti de prescriptions techniques adéquates[5].
Plus récemment, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a courageusement considéré qu’une commune ne pouvait valablement refuser le droit de reconstruire à l’identique en se fondant sur les dispositions de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme si le risque, bien qu’avéré et ayant entrainé la destruction du bien dont il était demandé reconstruction, pouvait « être paré par des dispositions ponctuelles »[6].
Le 26 juin 2019, le Conseil d’Etat, par ce qui pourra être qualifié de considérant de principe précise que:
« lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. »[7]
En reformulant l’article R.111-2 du code de l’urbanisme par la suppression de la négation, le Conseil d’Etat semble faire savoir qu’il revient aux autorités chargées d’instruire les demandes d’autorisation d’urbanisme de démontrer que le risque justifiant le refus est tel qu’aucune prescription spéciale ne peut y parer.
Si le Conseil d’Etat rejette finalement le pourvoi, il n’en demeure pas moins que la lecture opérée de l’article R.111-2 semble plus exigeante à l’égard de l’administration qui souhaiterait se fonder sur ces dispositions pour refuser un permis.
[1] Article R.111-2 du code de l’urbanisme
[2] En ce sens : CE 10 avril 1974 Min. Aménagement territorial c/ Bole, n° 92821
[3] En ce sens : CE 19 novembre 1999 Cne de Port-la-Nouvelle n° 190304 Voir également : CE 6 novembre 2006 Assoc. pour la préservation des paysages exceptionnels du Mezenc n° 281072
[4] Voir par exemple : CE 25 octobre 1985 Poinsignon n° 39288
[5] En ce sens : CE Avis 23 février 2005 Mme Hutin n° 272170 ou encore CAA Lyon 2 février 2007 Préfet de Savoie c/ Cne de Beaufort-sur-Doron n° 02LY02286
[6] En ce sens : CAA BORDEAUX 27 septembre 2018 Commune de Guéthary n°16BX03937
[7] Voir : CE 26 juin 2019 n°412429
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