Droits à l’avancement des fonctionnaires exerçant une activité durant une période de disponibilité

Le 27 mars dernier, le décret n° 2019-234 a mis en œuvre les dispositions de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, permettant aux fonctionnaires désireux d’exercer une activité privée pendant une période de disponibilité de conserver leurs droits à avancement durant cinq ans.
Ce décret ayant pour objet, d’une part, d’organiser le maintien des droits à l'avancement des fonctionnaires exerçant une activité professionnelle au cours d'une disponibilité, et, d’autre part, de modifier le régime de la disponibilité pour convenances personnelles, concerne les trois piliers de la fonction publique à la fois: étatique, territoriale et hospitalière.
 
L’article 109 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 est venu modifier l’article 72 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et concerne les activités professionnelles exercées pendant la disponibilité́. En principe, le fonctionnaire placé en disponibilité́ cesse de bénéficier de ses droits à l’avancement et à la retraite. Ce principe connaît désormais une dérogation: lorsqu'un fonctionnaire bénéficie d'une disponibilité́ au cours de laquelle il exerce une activité́ professionnelle, il conserve, dans la limite de cinq ans, ses droits à l’avancement. De telles dispositions sont applicables aux disponibilités et aux renouvellements de disponibilitéś prenant effet à compter du 7 septembre 2018.The bod
 
Ainsi, à condition qu’un agent, au cours d’une période de disponibilité, exerce une activité professionnelle, il pourra bénéficier, pendant une durée maximale de 5 ans, de ses droits à l’avancement d’échelon et de grade. De fait, cette période est assimilée à des services effectifs dans le corps ou le cadre d’emplois. La prise en compte de ces activités professionnelles dans le cadre d’une promotion à un grade à accès fonctionnel sera également envisageable. Pour ce faire, le fonctionnaire en disponibilité est tenu de transmettre à son administration une liste de pièces, fixée par arrêté, attestant de cette activité, au plus tard le 31 mai de chaque année. Quoi qu’il en soit, la durée de la disponibilité ne pourra excéder cinq ans, mais sera toutefois renouvelable une fois si, à l’issue de la première période de cinq ans, le fonctionnaire est réintégré pendant une durée d’« au moins 18 mois » dans la fonction publique.
 
La notion d’activité professionnelle est entendue largement, au sens de l’article 5 du décret, comme « toute activité lucrative, salariée ou indépendante, exercée à temps complet ou à temps partiel » qui correspond à une quotité de travail minimale de 600 heures par an pour un salarié ou qui procure un revenu au moins égal au salaire brut annuel permettant de valider quatre trimestres de retraite pour un indépendant. Les modalités de prise en compte de l'activité professionnelle exercée par un fonctionnaire en disponibilité ainsi que la procédure lui permettant de bénéficier du maintien de ses droits à l'avancement sont fixées par l'article 7 du décret du 27 mars 2019.
 
Certains n’ont pas manqué de soulever divers problèmes qui pourraient se poser notamment dans les collectivités territoriales:
Puisqu’un fonctionnaire en disponibilité est désormais contraint de revenir dans sa commune ou son EPCI d’origine pendant 8 mois réglementaires avant de repartir pour une nouvelle période de 5 ans, il est nécessaire qu’un poste soit disponible pour lui à ce moment; dans le cas contraire, la collectivité devra lui verser une allocation chômage avant qu’un poste correspondant à son grade soit vacant, ce qui représentera évidemment une charge financière.
 
D’autres encore se sont étonnés du fait que le dispositif instauré par le décret soit circonscrit à des activités lucratives, et pas étendu à l’exercice d’un mandat électif local, poussant les fonctionnaires à se tourner vers la solution du détachement, la disponibilité́ de plein droit pour exercer un mandat local, la disponibilité́ d’office pour exercer les fonctions de membre du gouvernement ou un mandat de membre de l’Assemblée Nationale, du Sénat ou du parlement européen ainsi que la disponibilité́ d’office quel que soit le motif n’entrant pas dans le champ du maintien des droits à l’avancement.y
 
Enfin, lors de l’examen du texte au Parlement, nombre de sénateurs avaient critiqué le dispositif l’accusant de « faciliter le pantouflage », en établissant une inadmissible « équivalence entre le service de l’intérêt public et celui de l’intérêt privé »

 




Extrait de la Newsletter éditée en partenariat avec l'Association des Anciens Elèves des IRA

10 octobre 2024
Nous sommes particulièrement fiers d’accueillir au sein de notre équipe deux nouveaux maillons. 🎉🎉🎉
14 février 2024
Note d’actualité : Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 16/06/2023, Commune de Courchevel, n°470160 Synthèse : Par une décision n°470160 du 16 juin 2023, le Conseil d’Etat précise l’office du juge dans le cadre d’une demande de levée de suspension de l’exécution d’un permis de construire. En outre, cette décision rappelle utilement l’existence d’une troisième possibilité de réaction offerte aux pétitionnaires dont le permis de construire a été suspendu à l’occasion d’un référé, en sus du classique pourvoi en cassation ou de l’attente d’un jugement au fond. *** Par un arrêté du 15 juin 2021, rectifié les 16 et 17 juin 2021, le maire de Courchevel (Haute-Savoie) a délivré un permis de construire à la SARL Société immobilière de Courchevel pour la démolition et la reconstruction d'un hôtel. Sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, à la demande de la société civile immobilière (SCI) Mésange, de M. et Mme A... ainsi que de M. et Mme B..., a suspendu l'exécution de cet arrêté. Par un arrêté du 31 octobre 2022, le maire de Courchevel a délivré un permis de construire modificatif à la SARL en vue de régulariser les trois vices retenus par l'ordonnance du 25 mai 2022. À la suite de la délivrance de ce permis modificatif, la Société immobilière de Courchevel a, sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à ce qu'il soit mis fin à la suspension prononcée par l'ordonnance du 25 mai 2022. Par une ordonnance du 19 décembre 2022, contre laquelle la SCI Mésange se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande. A l’occasion de cette décision du 16 juin 2023, le Conseil d’Etat a clarifié l’impact que doit avoir un permis modificatif sur une demande de levée de suspension du permis initial. Pour lui, le juge saisi sur le fondement de l’article L.521-4 du code de justice administrative, après avoir mis en cause le requérant ayant obtenu la suspension du permis de construire, doit tenir compte de la portée du permis modificatif ou de la mesure de régularisation (I), d’une part. Il doit également tenir compte des vices allégués ou d’ordre public dont ce permis modificatif ou cette mesure de régularisation serait entaché et seraient de nature à faire obstacle à la levée de suspension (II), d’autre part. L’analyse de la portée d’un permis modificatif ou d’une mesure de régularisation sur les vices précédemment relevés : conséquence logique du caractère provisoire d’une ordonnance de référé suspension Pour mémoire, l’article L. 521-4 du code de justice administrative dispose : « Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ». D’un point de vue procédurale, cet article ouvre une troisième possibilité de réaction au pétitionnaire dont le permis de construire a été suspendu dans le cadre d’un référé. Celui-ci n’est pas obligé de se pourvoir en cassation contre l’ordonnance de référé ou d’attendre le jugement au fond. Saisi d’une demande de réexamen, l’office du juge consiste d’abord à analyser la portée du permis modificatif ou de la mesure de régularisation sur les vices précédemment relevés. En l’espèce, « le permis de construire modificatif, délivré le 31 octobre 2022 par le maire de Courchevel prend acte de la cession par le département de la Savoie à la SARL Société immobilière de Courchevel des deux parcelles mentionnées au point 10 et d'un nouvel avis de l'architecte des Bâtiments de France précisant les prescriptions relatives à la toiture de la construction et prenant en compte l'ensemble des monuments historiques situés dans les abords du projet ». (V. CE, 10ème et 9ème ch. réunies, 16 juin 2023, n°470160, Point 11). Or, en s’abstenant de tenir compte de la portée du permis modificatif à l’égard des vices précédemment relevés, le juge des référés entache son ordonnance d’une erreur de droit. En revanche, aucune erreur de droit ne pouvait lui être reprochée s’il s’était assuré que le permis de construire modificatif ou la mesure de régularisation corrigeait tous les vices relevés dans la première ordonnance de suspension. Dans le cadre d’un référé réexamen, le fait pour le Conseil d’Etat d’appeler à une analyse de la portée du permis de construire modificatif ou de la mesure de régularisation n’est pas fortuit. Cette lecture des juges du Palais royal reste cohérente dans la mesure où « l’intérêt du permis modificatif [ou de la mesure de régularisation] tient à ce qu’il permet d’apporter des changements au permis initial sans remettre en cause les dispositions non modifiées [ou, s’il s’agit d’une mesure de régularisation, d’éléments non censurés] de celui-ci. Il confère en effet au pétitionnaire la possibilité de faire évoluer son projet sans perdre le bénéfice des droits attachés à l’autorisation qui lui a été initialement délivrée »[1]. La prise en compte des vices allégués ou d’ordre public dont le permis modificatif ou la mesure de régularisation seraient entachés et qui seraient de nature à faire obstacle à la levée de suspension Pour le Conseil d’Etat, la levée des effets de suspension d’un référé est aussi conditionnée à la prise en compte des vices allégués ou d'ordre public dont le permis modificatif ou la mesure de régularisation seraient entachés et qui seraient de nature à y faire obstacle. Dans cette optique, une double analyse s’impose au juge. Dans un premier temps, son jugement doit se porter uniquement sur les vices propres au permis modificatif. Il ne peut pas concerner les dispositions du permis initial qui n’ont pas été affecté par le permis modificatif[2]. Dans un second temps, le juge doit analyser le permis modificatif au regard du droit positif. Il s’assure que l’autorité administrative ait bien instruit le dossier du projet de modification dans le respect des règles applicables au jour où l’autorisation est délivrée, et non pas au jour où le permis initial a été délivré. En effet, il est de jurisprudence constante que la légalité d’un permis de construire modificatif ou d’un permis de régularisation s’apprécie, sur les points qu’il entend modifier ou régulariser, au regard des seuls dispositions applicables à la date à laquelle il a été pris[3]. MO/SA[1] O. LE BOT, « Ce qui change pour le permis de construire modificatif », in La maîtrise du cadre légal et réglementaire de l’aménagement de son territoire, La Gazette des commune, janv. 2023. [2] V. CE, 28 juillet 1999, n° 182167 [3] V. CAA de Lyon, 19 août 2021, SCI Boulevard des Anglais, n°20LY00270 ; CE, 28 juillet 1989, n°76082
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