Exercice du droit de préemption par l’administration, est-on vraiment démuni ?

A l’occasion de la cession d’un bien immobilier, l’administration peut user de son droit de préemption. Le prix proposé ne correspond pas toujours à celui de la vente envisagée. La décision de l’administration peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Dès lors, certains points méritent d’être vérifiés dans le corps de la décision afin d’en apprécier la légalité.
D’une part, il ressort du code général des collectivités territoriales que l’exécutif doit avoir reçu délégation de son assemblée délibérante pour pouvoir exercer le droit de préemption prévu par le code de l'urbanisme. Si l’exécutif fait usage de ce droit sans délégation, il en résulte une illégalité.
D’autre part, le code de l’urbanisme encadre les cas d’exercice du droit de préemption des collectivités. Le Conseil d’Etat précise aussi que collectivités titulaires du droit de préemption peuvent exercer ce droit si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet répondant aux objectifs de l'article L.300-1 du même code.
Ainsi, pour qu’une décision de préemption soit légale, elle doit cumulativement :
- Être réalisée dans l’intérêt général
- Concerner la mise en œuvre d’un projet correspondant à l’article L300-1du code de l’urbanisme
- Concerner un projet suffisamment précis à la date de la décision

10 octobre 2024
Nous sommes particulièrement fiers d’accueillir au sein de notre équipe deux nouveaux maillons. 🎉🎉🎉
14 février 2024
Note d’actualité : Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 16/06/2023, Commune de Courchevel, n°470160 Synthèse : Par une décision n°470160 du 16 juin 2023, le Conseil d’Etat précise l’office du juge dans le cadre d’une demande de levée de suspension de l’exécution d’un permis de construire. En outre, cette décision rappelle utilement l’existence d’une troisième possibilité de réaction offerte aux pétitionnaires dont le permis de construire a été suspendu à l’occasion d’un référé, en sus du classique pourvoi en cassation ou de l’attente d’un jugement au fond. *** Par un arrêté du 15 juin 2021, rectifié les 16 et 17 juin 2021, le maire de Courchevel (Haute-Savoie) a délivré un permis de construire à la SARL Société immobilière de Courchevel pour la démolition et la reconstruction d'un hôtel. Sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, à la demande de la société civile immobilière (SCI) Mésange, de M. et Mme A... ainsi que de M. et Mme B..., a suspendu l'exécution de cet arrêté. Par un arrêté du 31 octobre 2022, le maire de Courchevel a délivré un permis de construire modificatif à la SARL en vue de régulariser les trois vices retenus par l'ordonnance du 25 mai 2022. À la suite de la délivrance de ce permis modificatif, la Société immobilière de Courchevel a, sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à ce qu'il soit mis fin à la suspension prononcée par l'ordonnance du 25 mai 2022. Par une ordonnance du 19 décembre 2022, contre laquelle la SCI Mésange se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande. A l’occasion de cette décision du 16 juin 2023, le Conseil d’Etat a clarifié l’impact que doit avoir un permis modificatif sur une demande de levée de suspension du permis initial. Pour lui, le juge saisi sur le fondement de l’article L.521-4 du code de justice administrative, après avoir mis en cause le requérant ayant obtenu la suspension du permis de construire, doit tenir compte de la portée du permis modificatif ou de la mesure de régularisation (I), d’une part. Il doit également tenir compte des vices allégués ou d’ordre public dont ce permis modificatif ou cette mesure de régularisation serait entaché et seraient de nature à faire obstacle à la levée de suspension (II), d’autre part. L’analyse de la portée d’un permis modificatif ou d’une mesure de régularisation sur les vices précédemment relevés : conséquence logique du caractère provisoire d’une ordonnance de référé suspension Pour mémoire, l’article L. 521-4 du code de justice administrative dispose : « Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ». D’un point de vue procédurale, cet article ouvre une troisième possibilité de réaction au pétitionnaire dont le permis de construire a été suspendu dans le cadre d’un référé. Celui-ci n’est pas obligé de se pourvoir en cassation contre l’ordonnance de référé ou d’attendre le jugement au fond. Saisi d’une demande de réexamen, l’office du juge consiste d’abord à analyser la portée du permis modificatif ou de la mesure de régularisation sur les vices précédemment relevés. En l’espèce, « le permis de construire modificatif, délivré le 31 octobre 2022 par le maire de Courchevel prend acte de la cession par le département de la Savoie à la SARL Société immobilière de Courchevel des deux parcelles mentionnées au point 10 et d'un nouvel avis de l'architecte des Bâtiments de France précisant les prescriptions relatives à la toiture de la construction et prenant en compte l'ensemble des monuments historiques situés dans les abords du projet ». (V. CE, 10ème et 9ème ch. réunies, 16 juin 2023, n°470160, Point 11). Or, en s’abstenant de tenir compte de la portée du permis modificatif à l’égard des vices précédemment relevés, le juge des référés entache son ordonnance d’une erreur de droit. En revanche, aucune erreur de droit ne pouvait lui être reprochée s’il s’était assuré que le permis de construire modificatif ou la mesure de régularisation corrigeait tous les vices relevés dans la première ordonnance de suspension. Dans le cadre d’un référé réexamen, le fait pour le Conseil d’Etat d’appeler à une analyse de la portée du permis de construire modificatif ou de la mesure de régularisation n’est pas fortuit. Cette lecture des juges du Palais royal reste cohérente dans la mesure où « l’intérêt du permis modificatif [ou de la mesure de régularisation] tient à ce qu’il permet d’apporter des changements au permis initial sans remettre en cause les dispositions non modifiées [ou, s’il s’agit d’une mesure de régularisation, d’éléments non censurés] de celui-ci. Il confère en effet au pétitionnaire la possibilité de faire évoluer son projet sans perdre le bénéfice des droits attachés à l’autorisation qui lui a été initialement délivrée »[1]. La prise en compte des vices allégués ou d’ordre public dont le permis modificatif ou la mesure de régularisation seraient entachés et qui seraient de nature à faire obstacle à la levée de suspension Pour le Conseil d’Etat, la levée des effets de suspension d’un référé est aussi conditionnée à la prise en compte des vices allégués ou d'ordre public dont le permis modificatif ou la mesure de régularisation seraient entachés et qui seraient de nature à y faire obstacle. Dans cette optique, une double analyse s’impose au juge. Dans un premier temps, son jugement doit se porter uniquement sur les vices propres au permis modificatif. Il ne peut pas concerner les dispositions du permis initial qui n’ont pas été affecté par le permis modificatif[2]. Dans un second temps, le juge doit analyser le permis modificatif au regard du droit positif. Il s’assure que l’autorité administrative ait bien instruit le dossier du projet de modification dans le respect des règles applicables au jour où l’autorisation est délivrée, et non pas au jour où le permis initial a été délivré. En effet, il est de jurisprudence constante que la légalité d’un permis de construire modificatif ou d’un permis de régularisation s’apprécie, sur les points qu’il entend modifier ou régulariser, au regard des seuls dispositions applicables à la date à laquelle il a été pris[3]. MO/SA[1] O. LE BOT, « Ce qui change pour le permis de construire modificatif », in La maîtrise du cadre légal et réglementaire de l’aménagement de son territoire, La Gazette des commune, janv. 2023. [2] V. CE, 28 juillet 1999, n° 182167 [3] V. CAA de Lyon, 19 août 2021, SCI Boulevard des Anglais, n°20LY00270 ; CE, 28 juillet 1989, n°76082
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